: " Il existe je ne sais quoi de grand et
" Il existe je ne sais quoi de grand et d'épouvantable dans le suicide. Les chutes d'une multitudes de gens sont sans danger, comme celles des enfants trop bas pour se blesser; mais quand c'est un grand homme qui se brise, il doit venir de bien haut, s'être élevé jusqu'au cieux, avoir entrevu quelque paradis inaccessible.
Implacables doivent être les ouragans qui le forcent à demander la paix de l'âme à la bouche d'un pistolet. Combien de jeunes talents confinés dans une mansarde s'étiolent et périssent faute d'un ami, faute d'une femme consolatrice, au sein d'un million d'êtres, en présence d'une foule lassée d'or et qui s'ennuie.
A cette pensée, le suicide prend des proportions gigantesques.
Entre une mort volontaire et la féconde espérance dont la voix appelait un jeune homme à Paris, Dieu seul sait combien se heurtent de conceptions, de poésie abandonnées, de déspoirs et de cris étouffés, de tentatives inutiles et de chefs-d'oeuvre avortés.
Chaque suicide est un poème sublime de mélancolie.
Où trouverez-vous, dans l'océan des littératures, un livre surnageant qui puisse lutter de génie avec cet entrefilet :
Hier, à quatre heures, une jeune femmes s'est jettée dans la Seine depuis le Pont des Arts."
[ Honoré de Balzac ]
[ La Peau de Chagrin ]